Article de Louise Alméras du 3 janvier 2018 dans Belles Histoires
Le docteur Alfred Tomatis, médecin ORL français, est connu pour sa création de « l’oreille électronique ». Il est à l’origine de la célèbre méthode Tomatis et a fondé l’audio-psycho- phonologie. À travers ses recherches sur le langage et l’oreille, il a fini par rencontrer Dieu et se convertir au catholicisme.
M ort il y a dix-sept ans, le docteur Alfred Tomatis est connu pour son utilisation de la musique de Mozart et du chant grégorien. L’abbé René Laurentin, qui comptait parmi ses amis, a d’ailleurs écrit dans un article publié en 1990 dans Famille Chrétienne : « Les découvertes du docteur Alfred Tomatis sont trop neuves, elles gênent, elles déroutent. Elles provoquent une conspiration du silence… ».
Il terminait ainsi : « Dans ma pensée profonde, s’il y a un prix Nobel manqué en ce bas monde, c’est bien celui du professeur Tomatis. Mais il n’est jamais trop tard. »
C’est en commençant à exercer son métier d’ORL avec des chanteurs lyriques, que lui envoie son père lui-même chanteur d’opéra, qu’il découvre la fonction étonnante de l’oreille dans le processus du chant. Il commence à réparer les oreilles et les voix, mais guérit aussi de multiples troubles du langage, de l’audition, du cerveau, de l’apprentissage, de la communication.
Dès les années 1950, ses constats le poussent à poursuivre ses recherches sur les effets de la musique sur le cerveau. Le psychiatre canadien Norman Doidge, spécialiste des neurosciences à l’université de Toronto, lui a d’ailleurs consacré un chapitre dans son livre publié l’an dernier Guérir grâce à la neuroplasticité.
Alfred Tomatis démarre alors son aventure de chercheur à laquelle il consacrera le reste de sa vie, se remettant sans cesse en question pourvu d’être toujours au plus près de la vérité. Il publie plusieurs ouvrages sur le fruit de ses recherches : L’oreille et la voix, L’oreille et la vie, Écouter l’univers ou encore Pourquoi Mozart ?, et reçoit plusieurs distinctions comme la Médaille d’Or de la Société académique « Arts, Sciences et Lettres » en 1968, même s’il démissionne de l’Ordre des médecins.
Il s’en explique dans L’Oreille et la vie : « L’essentiel, c’est-à-dire la relation humaine entre le praticien et son patient, a peu à peu été gommé au profit d’une sorte de service dépersonnalisé à l’extrême qui fait de celui-ci un récepteur anonyme et de celui-là une simple machine à produire des ordonnances. Si le médecin est ce qu’on nous dit qu’il doit être aujourd’hui alors je ne me considère plus comme faisant partie de cette corporation. Je décline cette assimilation au nom de ma vocation à secourir et à soigner les gens ».
Plus il comprend la voix, puis il découvre la voie vers Dieu « L’homme est une oreille en totalité, tout vibre tout le temps et tout est perçu à travers le son, beaucoup plus qu’on ne le croit », « l’écoute est une faculté de très haut niveau, elle est peut-être une porte ouverte sur la conscience » confiait-il dans un entretien accordé au père Régis-Marie de la Teyssonnière en 1990, alors membre de la Fraternité monastique de Jérusalem, intitulé « Écouter, c’est se convertir ».
À la question de l’écoute de Dieu dans le désert, il expliquait que « dès l’instant où on peut L’atteindre, Dieu parle avec notre bouche et Il écoute avec notre oreille. Le sommet c’est d’offrir son oreille à Dieu pour que Dieu écoute à travers l’homme et qu’Il vive en nous son incarnation, toujours. C’est le but que tout homme doit s’assigner : connaître la relation avec l’Être ».
Cela entraîne aussi une harmonie dans les relations humaines.
Si l’oreille a le rôle d’écoute, elle a aussi celui de l’équilibre et de la « recharge en énergie ».
Sa fonction première est d’ailleurs d’être une « dynamo » qui charge le cerveau en potentiel électrique. Pour résumer, sa méthode consiste en
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Il lui faut de la musique de qualité à faire écouter grâce à l’oreille électronique. Il finit par privilégier le chant grégorien et la musique de Mozart, riches en sons aigus et en harmonie.
Selon lui il y a trois dimensions dans l’écoute : s’écouter soi-même, ce que l’on est à l’intérieur, pour connaître la mission qui nous a été confiée par l’univers ; écouter les autres et écouter Dieu. Être une antenne vibrante dans le cosmos qui va capter ce que l’univers nous demande de faire pour être un instrument, lié à la notion d’abandon. Le travail consiste non seulement à écouter de la musique, mais aussi à maîtriser la voix chantée (auto-écoute, vibration du corps, contrôle de la voix). Ce n’est pas tout.
« Celui qui serait doué d’une ouverture d’écoute exceptionnelle, saurait appréhender ce que son corps lui énonce et arriverait ainsi à faire face à beaucoup de maladies, notamment psychosomatiques.
Celles-ci sont dues au fait qu’à un moment donné plus rien ne va dans la partie du corps qu’on a abandonnée puisqu’il n’y a plus d’informations perçues et renvoyées », expliquait-il au frère Régis-Marie. Enfin, être capable de se tenir à l’écoute de l’autre atténuerait beaucoup de conflits sociaux et familiaux !
Et Dieu dans tout ça ?
Dans son encyclique Musicae Sacrae Disciplina, Pie XII écrivait en 1955 que le chant grégorien, « en raison de la convenance intime des mélodies avec le texte sacré des paroles, (…) est comme une traduction de leur sens et de leur vertu, et insinue leur charme dans les âmes des auditeurs ». Ces effets sont effectivement constatés dans son emploi par le docteur Tomatis.
Il se rend ainsi plusieurs fois à l’abbaye de Solesmes et rencontre dom Gajard, le maître de chœur, dont il utilise exclusivement les enregistrements qui n’ont pas d’égal en terme de qualité.
C’est à Dominique Waddell, autrefois son assistante dans les années 1990, qu’il a confié le soin de continuer son travail le plus fidèlement possible, et à son mari Justin de traduire son œuvre en anglais. Ils exercent encore aujourd’hui, entre la Suisse et la région parisienne, depuis plus de vingt ans, dans la plus stricte observance des enseignements de Tomatis (Centre audio-vocal), pour soigner entre autres acouphènes, bourdonnements d’oreille ou surdité.
Une preuve clinique de l’existence de Dieu ?
Quand elle travaillait avec Alfred Tomatis, Dominique Waddell dit avoir « vu de nombreux adolescents à la fin des séances, réfractaires à tout ce qui était religieux, enlever leur casque et dire : “Et Dieu dans tout ça ? Où est-ce qu’Il est ?“ ».
« Cela est sans doute la preuve, commente-elle, car mettant leur oreille en route, tout à coup ils avaient envie d’écouter autre chose (…). C’est une preuve clinique que nous sommes tous happés par cette dimension spirituelle et que c’est la situation de non écoute qui nous empêche d’y accéder ».
De nombreux monastères ont accueilli sa pensée avec enthousiasme.
Il a d’ailleurs soigné de nombreux religieux, comme les bénédictines de Caen, gratuitement et prodiguait ses soins aux plus démunis de même ou selon ce qu’ils pouvaient donner. Alfred Tomatis disait que « lorsque les scientifiques allaient loin dans leurs découvertes, ils étaient toujours ramenés à Dieu, parce qu’il y a toujours une cause à chaque effet, rappelle Justin Waddell. Il y a un processus de création.
Mais c’est l’écoute qui ouvre véritablement à cette dimension, car il n’y a pas pire que ceux qui ne veulent pas entendre. L’homme a une grande prétention de croire qu’il est maître de son langage, alors qu’il doit exprimer ce que la création lui dicte. C’est plutôt cela qui fait office de preuve. »
« Toute son œuvre était d’aider les autres »
Alfred Tomatis a consacré sa vie dès le début à aider les autres, notamment à mieux écouter pour qu’il accède selon Dominique Waddell à une autre dimension, notamment spirituelle.
Pour Tomatis, avoir la foi était quelque chose d’important qu’il vivait quotidiennement, se souvient-elle. Elle s’est enrichie avec toutes ses découvertes. Cela signifiait s’abandonner à la volonté divine et avoir confiance.
Ce qui a le plus frappé Dominique Waddell chez lui, c’est « la qualité de sa présence, de son langage, celle des sons qu’il émettait et son dévouement à s’occuper des autres ». Ils déplorent aujourd’hui que certains critiquent ou dénaturent sa méthode au niveau international, au point d’en donner parfois une mauvaise interprétation.
Le docteur Alfred Tomatis a fini sa vie très simplement, lui qui ne se considérait pas comme un génie. Il était un aventurier de la recherche, passionné par les chemins de traverse et soucieux d’amener le plus de personnes à une manière de vivre plus riche.
C’est ainsi qu’il est parti le jour de Noël 2001, en pleine lumière. Aujourd’hui, ses découvertes demeurent considérables et continuent de faire leur œuvre.
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